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Prologues : le Maghreb des livres et des idées est la nouvelle version électronique de la revue Prologues (1993-2008). Elle se veut un espace de débat et de circulation des idées, incarné par un site dynamique bilingue (arabe/français).

Prologues : l’historique et les acquis

Au cours de l’année 1993, la revue Prologues voit le jour grâce à l’initiative d’un petit groupe d’amis avec un objectif simple et ambitieux : essayer de faire écho au foisonnement intellectuel international dans l’aire maghrébine et de construire le débat via des  lectures critiques des publications maghrébines, arabes et internationales.

L’éditorial de la première livraison afficha son ambition de servir de médiation intellectuelle en ces termes : « Le lecteur ordinaire, tout aussi bien que le chercheur spécialisé sont obligés de dépenser des trésors d’énergie pour suivre le mouvement des idées et se frayer un chemin dans un champ intellectuel et éditorial de plus en plus dense. Pour s’y repérer chacun de nous a nécessairement besoin d’une cartographie précise et exhaustive. Quelques repères, voilà précisément ce que compte offrir Prologues en présentant chaque trimestre un recensement et une analyse de l’essentiel des livres relatifs à l’aire maghrébine dans les différents domaines des sciences sociales et humaines ».

Loin d’atteindre le niveau espéré par ses initiateurs[1], Prologues a réussi, malgré l’irrégularité de sa parution, sa diffusion limitée et le contexte de blocage politique du projet maghrébin, à constituer un important réseau d’auteurs/collaborateurs marocains, algériens et tunisiens. Elle a fait découvrir aux jeunes lecteurs habitués à des polémiques idéologico-religieuses convenantes, les acquis d’une islamologie moderne produite en Occident, en Tunisie, au Liban ou en Iran, tout en montrant que le Maghreb pouvait constituer l’objet d’une recherche rigoureuse dans les champs des sciences humaines et sociales.

Profitant de l’ouverture relative que connait le champ politique marocain, à partir du milieu des années 1990, Prologues mobilisa des chercheurs maghrébins autour de dossiers et enjeux majeurs : réformes de l’éducation et de la pensée religieuse, la question sociojuridique du genre, la démocratie, la place de la culture amazighe, etc. Le travail systématique (3 dossiers) mené à l’occasion de l’immense débat public qu’a connu le Maroc du début des années 2000 autour des projets de « Plan national d’intégration de la femme au développement » et de la « réforme du Code de la famille », fut l’exemple abouti d’un nouveau genre d’engagement intellectuel démocratique : celui d’une exigence et une éthique de l’intelligence mise au service de la vérité et de l’intérêt général.

Faute de ressources financières, Prologues est entrée dans une crise au milieu des années 2000 et cessa de paraître en 2009 avec la livraison n° 38[2].

Deux évolutions majeures bouleversant l’écosystème des revues et magazines culturels et scientifiques sont à l’origine de la réorientation du projet initial : l’essor de revues purement électroniques et/ou la création d’une version électronique des revues existantes, d’une part, et l’affirmation, d’autre part, de l’open access, ou « accès ouvert », comme forme de publication et de diffusion des savoirs plus démocratique et innovante. Ces évolutions induisent de nouveaux usages de l’écrit, des modes d’accès aux connaissances et de lecture différents[3].

Prologues : continuité et renouvellement

Près d’un quart de siècle après l’apparition du premier numéro de Prologues, les priorités ont changé. Dans l’ère pré-Internet (entre 1993 et 2000), il s’agissait de promouvoir la circulation des savoirs, d’atténuer la marginalité et  le provincialisme de l’activité intellectuelle maghrébine, notamment arabophone,  par rapport à la recherche internationale en sciences humaines et sociales, et de réinterroger les sociétés maghrébines avec les outils désidéologisés d’une nouvelle génération de chercheurs.

Le contexte présent est marqué par le séisme politique de la fin de 2010 et dont les répliques incessantes impriment encore de leur violence la région, et l’épuisement des repères traditionnels de l’intelligence des sociétés qui ont régné depuis les années 1960. Avec la généralisation de l’Internet à partir du milieu des années 2000, les populations du Maghreb, notamment les jeunes générations, ont désormais accès aux extraordinaires flux d’informations provenant des quatre coins du monde. Compte tenu des retards éducatifs et de la faible place de la pensée critique, cette ouverture les  expose aux effets néfastes des discours les plus irrationnels.

Le combat de Prologues sera étroitement lié aux urgences et exigences du temps présent des sociétés maghrébines : ni organe d’endoctrinement idéologique, ni publication limitée à un cercle étroit de chercheurs hyperspécialisés. Prologues doit devenir un magazine généraliste bilingue offrant une information de qualité, des analyses rigoureuses, cultivant l’ouverture et la pluridisciplinarité, sur le terrain  des idées, du débat et de la culture.

Les récentes expériences électorales maghrébines confirment ce que rappelait  A. Tocqueville dans « De la démocratie en Amérique » : La démocratie ne se réduit à ses dimensions institutionnelles (nature du régime politique, élections, arsenal procédural, etc.) ; elle est d’abord un état de société supposant un ethos démocratique et une profonde mutation socioculturelle. C’est sur ce front-là que doit s’inscrire le combat de Prologues.

Les jeunes générations maghrébines, sont déjà ancrées dans l’ère de la culture numérique. La révolution des TIC projette les sociétés dans le temps mondial d’un présent perpétuel fait de communication généralisée et de zapping constant, avant même que s’achève le cycle classique du décollage culturel (alphabétisation, instruction généralisée et accès universel à la culture écrite, etc.). De nouvelles pratiques culturelles avec des modes inédits de sociabilité et de subjectivité se diffusent parmi les jeunes. La généralisation de l’accès à Internet transforme le marché cognitif avec l’explosion de l’offre en termes d’informations, de produits de connaissance et de croyances les plus irrationnelles. Comme l’a très bien montré Gérald Bronner, l’ère numérique introduit une concurrence sauvage et déloyale entre les croyances en tout genre, handicapant ainsi les produits de la connaissance. Car ces derniers « nécessitent, pour être compris, des compétences techniques et théoriques qui excèdent souvent le sens commun, même dans leurs formes vulgarisées » (Gérald Bronner, La démocratie des crédules, Paris : P.U.F., 2013, p. 34.). Aussi l’internet risque-t-il de devenir un outil de retraditionnalisation de la culture au service des discours les plus rétrogrades, notamment dans des sociétés où le processus de transition de l’oralité à la culture écrite est encore inachevé.

Dans ce contexte, Prologues doit utiliser toutes les ressources du web pour offrir un de ces lieux où il est possible de se consacrer à la réflexion, de prendre du recul et d’élargir l’horizon du débat au-delà des provincialismes nationaux et régionaux. Prologues devrait permettre aux lecteurs maghrébins d’accéder aux idées développées par les divers courants mondiaux des sciences humaines et sociales qui se globalisent, renouvellent leurs objets et leurs perspectives théoriques, pendant que la sphère intellectuelle arabe tend à s’enfermer dans des monologues identitaires vains.

En remplissant son rôle d’outil intellectuel critique, Prologues  pourrait également aider les acteurs sociaux et politiques à penser leurs actions, à instruire leurs délibérations et à devenir maitres de leurs choix.

Prologues : le Maghreb des livres et des idées est rattachée à l’association Prologues qui est présidée par Naceureddine El-Afrite. Elle jouit du soutien du portail Médias24 qui l’abrite et assure sa production et sa gestion matérielle quotidienne.

 


[1] Les initiateurs du projet souhaitaient une revue des livres dont l’impact pourrait être aussi intellectuel que politique et social. Ils espéraient que la revue puisse contribuer, à travers la circulation des idées et la diffusion des savoirs, à instruire le jugement des citoyens et à éclairer les débats publics, rendant ainsi les sociétés maghrébines plus lisibles par leurs membres et plus conscientes de leur devenir. Ils avaient en cela deux modèles anglo-saxons célèbres : London Review of Books et New York Review of Books.

[2] Ce numéro a été imprimé par un éditeur privé (Editions Marsam).

[3]C’est au moment où paraissaient les deux dernières livraisons en papier de Prologues,  que naitra le premier magazine électronique marocain spécialisé dans le livre : www.ribatalkoutoub.com (en langue arabe) qu’animent Abdelahad Sebti et Abdelhay Moudden.